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Des cartes technologiques pour la Somalie

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Après avoir piloté des projets de cartographie de crise innovante et interactive au Kenya, en Libye, au Japon, en Syrie… Patrick Meier, le chercheur-activiste et directeur de la branche cartographie de crise de la start-up kényane Ushahidi, met son expertise au service de la crise humanitaire qui sévit en Somalie. Deux projets de cartographie de la crise en cours sont mis en œuvre en partenariat avec l’ONU ou encore avec Al-Jazeera. La complexité de la crise somalienne rend très délicat les actions des humanitaires sur le terrain. L’innovation technologique déployée dans ces projets ne remplace pas le travail mené par des humanitaires expérimentés. Toutefois, ces cartes innovantes et interactives pourraient bien constituer des outils d’un nouveau genre et fort utiles pour les ONG. Les travaux de Patrick Meier et plus largement d’Ushahidi continuent à sans cesse innover, expérimenter et dépasser les barrières qui rendent complexes certains projets. Entretien.

Slate Afrique: Comment a évolué le projet de cartographie de crise de la Somalie que vous avez commencé cet été ?
Patrick Meier: Ce projet est mort-né car l’un de nos partenaires n’a pas tenu son engagement. Le projet initial était une carte de soutien en direct sur la crise qui se déroule en Somalie. Mais notre partenaire voulait des garanties sur la plus-value humanitaire immédiate des données que nous allions collecter et géolocaliser. C’est ce que j’ai fait, toutefois, il est très difficile de s’engager et d’apporter la garantie avant même d’avoir les données entre les mains. Ce partenaire voulait également que la carte puisse  montrer que la crise était plus grave que les descriptions et rapports produits dans les médias et par les ONG. Il souhaitait qu’elle serve à dénoncer l’inertie américaine en vue de favoriser les critiques sur l’intervention limitée des États-Unis dans cette crise. Nous avons beaucoup travaillé avec l’équipe d’Ushahidi sur ce projet de Somalia Crisis Map, en vain. Cela fut frustrant.
Avez-vous laissé tomber le projet ?
Non, j’ai lancé deux autres projets de cartographie innovante de la crise humanitaire en Somalie. Le premier projet est réalisé en partenariat avec Al-Jazeera, Ushahidi, l’ONG Souktel (créée en 2006 cette organisation lutte contre la pauvreté et œuvre à stimuler l’économie dans des zones de pauvreté grâce aux sms, ndlr) et la plateforme de crowdsourcing Crowdflôwer, spécialisée dans le traitement et la valorisation d’informations produites par la « foule » d’internautes.

Ce projet part d’un constat simple: la perte d’attention des médias et de l’opinion publique à propos de cette crise humanitaire. Et si les journalistes ne vont plus sur le terrain pour couvrir cette situation de crise et rapporter des informations, nous allons permettre aux somaliens eux-mêmes de s’exprimer, de raconter leur vie, et de faire passer le message qu’ils souhaitent.
Concrètement comment allez-vous procéder ?
Al-Jazeera va mener des interviews avec 5 000 somaliens via SMS. Pour cela, ils vont établir, en partenariat avec des experts humanitaires, une liste de questions qui seront transmises par SMS via le système mis au point par Souktel. Les interviewés vont répondre par SMS en indiquant leur géolocalisation. Ces SMS de réponse écrits en somali seront réceptionnés par Souktel puis transmis à notre plateforme de traitement mise en place avec notre partenaire CrowdFlower.

Puis nous allons ensuite redistribuer ces SMS pour traduction, géolocalisation et classification à des membres de la diaspora somalienne installés aux États-Unis qui seront directement associés au projet et qui auront un accès direct à la plateforme de CrowdFlower. Une fois «traités» par la diaspora somalienne, ces messages seront transmis à la plateforme Ushahidi où ils seront intégrés dans la carte disponible en anglais et en somali.

Ensuite, chaque SMS aura un sujet de discussion interactive qui lui sera associé. Puis, Al-Jazeera va sélectionner les meilleurs commentaires postés sur la plateforme Ushahidi et les transmettre à Souktel qui les renverra à l’émetteur initial du SMS en Somalie. Ainsi, nous récoltons des informations précieuses et nous permettons d’amplifier la voix des somaliens tout en leur permettant d’entamer des discussions interactives avec le reste du monde. Le tout en associant directement la diaspora somalienne.
Quid de votre second projet ?
C’est un projet de cartographie de crise de la Somalie qui pour la première fois va utiliser des images satellitaires. Ce qui est technologiquement révolutionnaire pour ce type de projet à caractère humanitaire. L’objectif étant de parvenir à géolocaliser les les camps de déplacés internes notamment dans la zone du « couloir d’Afgooye » (voir vidéo, ndlr) qui est devenue la plus grande concentration de réfugiés au monde et qui est délaissé par les ONG. Nous allons géolocaliser trois types de camps: les structures permanentes, les structures temporaires avec des abris protégés par des toits en métal et les campements sans toits.

 

Quelle est la méthodologie employée ?
Ce projet est mené en partenariat avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (UNCHR),  la plateforme de volontaires technologiques de la Standby Task Volunteer Force (SBTF) et le spécialiste de l’imagerie par satellite Digital Globe. Nous allons utiliser la plateforme de crowdsourcing et de répartition des tâches Tomnod pour l’analyse précise et minutieuse des images satellites. Plus de 100 membres de la SBTF, dont des universitaires américains reconnus et des étudiants, sont déjà mobilisés pour ce projet. Parmi eux, des experts en nouvelles technologies appliquées à la géographie habitués des analyses d’images satellitaires. Mais aussi des membres de l’association scientifique internationale de l’American Society for Photogrammetry and Remote Sensing qui travaille notamment sur la cartographie technologique.
L’objectif de ce projet ?
Tirer pleinement profit de nos méthodes éprouvées de crowdsourcing et de «micro tasking» pour identifier et géolocaliser les camps de réfugiés. Ce qui va permettre aux agences de l’ONU mais aussi aux ONG de disposer d’éléments factuels et géolocalisés qui permettent de déployer leurs dispositifs. Pour exemple, l’an passé, deux employés de l’UNHCR ont passé quatre semaines sur place pour faire un travail très partiel. Nous espérons pouvoir démontrer que nous pouvons fournir un travail complet en quelques jours grâce à nos technologies sans mobiliser le personnel de l’ONU.

Notre objectif est d’innover pour trouver des solutions et créer des outils qui permettent aux acteurs humanitaires d’avoir rapidement des informations fiables et géolocalisées sur le terrain pour agir. La technique des images satelitaire ne permet pas d’avoir des informations live mais nous servira à les comparer avec les bases de données existantes de l’UNHCR ou d’autres ONG et de les enrichir. Nous espérons que le Centre de recherches de la Commission Européenne mettra à contribution son algorithme d’identification des camps de déplacés qui nous permettra de croiser les informations et de réaliser des études et des analyses.
Quand ces projets de cartes de la crise somalienne seront-ils lancés ?
Le projet de l’UNHCR débute ce vendredi 4 novembre et le projet mené avec Al-Jazeera devrait se mettre en place mi-novembre. Cela fait maintenant plusieurs mois que je travaille sur ces projets avec les partenaires et les équipes de volontaires. 

Cartographie de crise en direct du conflit libyen. Cliquer sur l'image pour accéder à la carte.

Vous avez réalisé des cartes de crise au Kenya, en Libye, en Haïti, au Japon…Quelle est la particularité de la Somalie pour ce type de projet ?
La complexité de la crise qui se déroule en Somalie comporte un certain nombre de challenges. Comme vous le savez, cette crise est à la fois humanitaire avec une famine de grande ampleur. Et elle est aggravée par la présence d’organisation terroriste. Ce qui rend la question sécuritaire particulièrement délicate. c’est pourquoi j’ai décidé de baser notre travail sur l’usage d’images satellites de haute définition qui sont disponibles et permettent une précision dans la géolocalisation en évitant les problématiques sécuritaires sur le terrain.
Quelle nouvelle technologie peut transformer le travail humanitaire sur le terrain ?
Je ne crois pas que nous ayons besoin de nouvelles technologies. Mais nous avons besoin de valoriser les technologies disponibles et les infrastructures qui existent déjà en Somalie. Des simples SMS bien utilisés et intégrés dans une infrastructure technologique participative peuvent complètement transformer le travail humanitaire sur le terrain.
Comment les ONG et les humanitaires «old school» perçoivent vos travaux ?
La perception a changé en six mois. J’ai l’impression que les organisations humanitaires traditionnelles se transforment doucement. Elles deviennent plus ouvertes d’esprit et réceptives à des solutions innovantes. L’intégration des nouvelles technologies ne menace pas leur travail mais leurs offrent des outils qui permettent d’être plus réactif mais aussi plus efficaces.

>> Pour suivre l’évolution des ces projets, le blog de Patrick Meier iRevolution (en anglais)
L’article sur Ushahidi paru dans Slate Afrique
L’article Les Larmes de la Somalie paru dans Slate Afrique
Quelques cartographies de crise menées par Ushahidi sur Haïti, sur la Libye, le Japon

Photo: CC PopTech par Kris Krüg


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